Monde Hybride, quand la pratique artistique favorise le vivre-ensemble

Il faut sept mois pour refaire un monde ! C’est ce que nous a montré une centaine de lycéens engagés dans le projet Monde Hybride, animé par deux artistes, Lilli Garcia Gomez et Gaëtan Brun-Picard du collectif w.o.r.k?, et soutenu par la scène nationale Stereolux. De décembre 2020 à juin 2021, les classes ont été plongées dans un univers post-apocalyptique où leur mission était de réinventer collectivement le monde. En pleine période de pandémie mondiale, les élèves ont dû apprendre à suivre des cours et vivre à distance ; l’occasion idéale pour mener cette expérience immersive où la question du vivre-ensemble se place au cœur des pratiques artistiques.

Le numérique au service des échanges et de la création artistique

Avec l’aide des deux artistes et leurs consignes publiées sur la plateforme en ligne Classe Culturelle Numérique, les lycéens ont créé, semaine après semaine, d’étranges créatures, constituées de parties humaines, animales, minérales, végétales ou encore technologiques.

Tinison, un hybride réalisé par les 3e PREPA du lycée professionnel Eric Tabarly
Rombo, un hybride réalisé par les 3e PRO du LEAP Saint-Gabriel Nantes Océan

Au-delà de leur apparence incongrue, les classes ont aussi imaginé l’environnement, le langage et les mouvements de ces êtres hybrides. Gaëtan Brun-Picard explique : “Le but était de leur faire expérimenter une multitude de champs artistiques, de travailler sur le thème de la cohabitation et de revisiter une humanité à sa base en se demandant quels en seraient ses rituels, ses pratiques, ses déplacements, son langage”. Entre écriture, arts plastiques et visuels, montages sonores ou vidéos, les élèves se sont ainsi initiés à de nombreuses pratiques artistiques et ont pu valoriser leurs créations en les partageant sur la plateforme numérique.

Pour Lilli et Gaëtan, guider les classes à l’aide de consignes en ligne et créer du lien à distance comporte sa part de défi, qu’ils ont su relever avec brio. “On a toujours réfléchi à nos consignes, pour qu’elles puissent à chaque fois être intéressantes, drôles, intelligentes et proches des élèves”, précise Lilli. “Je pense que la plateforme et les outils numériques permettent d’être très didactiques. On a décidé d’utiliser tout ce qu’on nous a proposé : l’écrit, la vidéo, le son, les ressources, un lexique, etc. Le fait qu’ils puissent répondre comme ça aussi, par l’image et le son, ça a donné de l’interactivité et du sens à notre projet. »

La première consigne donnée par Lilli et Gaëtan sur la plateforme du projet

Travailler ensemble, telle est votre mission si vous l’acceptez !

Au cœur du projet, la collaboration et la co-création ont occupé une place importante pour les artistes. Marie, enseignante aux Sables d’Olonne, a noté des difficultés pour certains de ses élèves à travailler en groupe. “Avec les confinements à répétition, on a observé un repli sur soi chez certains élèves. Au début, certains voulaient créer seuls leur écosystème et donc, d’une certaine façon, vivre seuls sur leur planète”, raconte l’enseignante, qui a pourtant vu ces mêmes élèves prendre goût au travail collectif au fil des ateliers.

C’était précisément le but recherché par les deux meneurs de cette aventure : “Cohabiter les uns avec les autres, trouver des points d’entente, de convergence… C’est une image du monde et de la vie en collectivité”, explique Gaëtan. “Le but n’est pas seulement la production de quelque chose de joli, mais aussi tout le processus, l’exercice de se mettre d’accord et de créer quelque chose tous ensemble”, complète Lilli.

Les 3e PREPA du lycée professionnel Eric Tabarly travaillent en groupe
L’écosystème de Redland, réalisé par les 4e SEGPA de l’EREA Les Terres Rouges

L’écosystème prend vie sur la scène de Stereolux

Véritable coup de chance, la fin de l’année scolaire a coïncidé avec le déconfinement. Si l’ensemble du projet s’est déroulé à distance, la journée de restitution a permis aux artistes et aux classes de se rencontrer pour la première fois sur la scène de Stereolux, à Nantes, et de mettre un point final au projet. Après plusieurs mois d’échanges en ligne, Monde Hybride s’est conclu en beauté sur le plateau grâce à un parcours immersif et participatif imaginé par Lilli.

Le parcours sur la scène de Stereolux

Sur la scène, les élèves et tous les invités, y compris les spectateurs, ont pu vivre et expérimenter le mouvement et la gestuelle des hybrides inventés par les lycéens. Cette performance était réalisée au milieu des dessins, collages et vidéos des élèves représentant l’écosystème et ses habitants. La bande son qui accompagnait ce mouvement dansé n’était autre que la rencontre de tous les nouveaux langages créés par les jeunes de la région nantaise, couplés à un son d’ambiance créé spécifiquement pour l’occasion.

Les écosystèmes réalisés par les élèves, exposés sur la scène de Stereolux
Les hybrides exposés sur la scène de Stereolux
Les élèves suivent le parcours immersif sur la scène de Stereolux

Gaëtan conclut : “C’est notre façon de travailler collectivement. On a réuni les productions et c’est donc une œuvre qui nous appartient à tous. On avait vraiment l’impression d’être dans cet écosystème, qu’il se réalisait.”